vendredi 25 septembre 2009

Odile du Mazaubrun : "Mariages, bancs, boites"


"Mariages, bancs, boites" Odile du Mazaubrun, Installation, 2009 Paris.

Trouver les mots légers comme cette exposition. Qui nous laisse un sentiment de grâce. D’évidence, de simplicité. De dépouillement joyeux. Quand une œuvre se réduit à quelques fragments de plastiques recyclés, quand elle ne prétend qu’à la liberté, qu’à nous affranchir du poids des choses comme de celui des souvenirs…

On rencontre ici des boites à gâteaux en plastique remplies de bouts de cartons, de figurines. Des boites assemblées et suspendues, évoquant une narration fruste, une simple accumulation de situations. Des débris épars rassemblés en d’improbables histoires. Les réminiscences d’une mémoire qui se recompose à partir de fragments de souvenirs, d’artéfacts, de stéréotypes.

Dans ces boites de plastiques, tous les jeux sont possibles. Rajouts, accumulations, reconstructions, inversions, soustractions, omissions... Il suffit d’ouvrir les boites, de disperser les figures pour que la narration change. Les souvenirs deviennent un jeu enfantin et les réminiscences ne peuvent être figées. Les boites peuvent être recomposées, modifiées, interverties… Nous voici invités à reconstruire sans fin les fils de nos histoires.

Mais histoires et souvenirs ne font pas la mémoire. Les souvenirs, les figurines ne sont que prétextes à une fête de lumière. En jouant avec ces débris fragiles, la lumière les transforme en reflets et couleurs. Les souvenirs se dissolvent dans la lumière pour devenir mémoire. La perte des souvenirs, l’oubli deviennent la condition de la mémoire.

Bien sûr comme nos souvenirs, ces boites fragiles sont condamnées à vieillir, à disparaître. La lumière qui les magnifie les brule en même temps. Leur nature plastique les condamne. Qu’importe ? La mémoire ne s’attache pas aux souvenirs. Elle nait de leur oubli.

Bruno Puyraimond

dimanche 22 février 2009

Odile du Mazaubrun : "Les fugitifs"


"Les fugitifs" Odile du Mazaubrun, Installation, 2009 Paris.
Odile du Mazaubrun

Un pont entre les mondes

De minces tiges de bambou suspendues au-dessus du vide. Un paysage abstrait. Simplifiées, esquissées, réduites à leurs attitudes des femmes portent des emballages plastiques vides, des enfants, un vieillard hésite. Dans une tension extrême, « les fugitifs » avancent sur un chemin incertain. Que fuient ces êtres ? Vers où se dirige ce flot sans origine ni fin, sans passé ni avenir, sur une passerelle fragile, au-dessus du néant ?

Nous connaissons bien sûr ces corps trop souvent présents sur nos écrans. Réfugiés, victimes, ombres incertaines. Alors, que nous apporte cette œuvre par rapport aux images de réfugiés devenues les icônes récurrentes de toutes les guerres ?

Silhouettes fugitives contraintes d’avancer sur un chemin fragile, visages indistincts, possessions réduites à quelques emballages vides, victimes absurdes de violences récurrentes, ces êtres n’ont pour autant pas perdu leur dignité et leur individualité. Dépouillés de leurs biens, séparés des leurs, emportés par la violence, niés dans leurs identités, apparemment réduits à quelques débris de plastiques assemblés, ils conservent dans leurs postures comme dans leur mouvement d'ensemble une véritable dignité.

Par la seule force de leurs attitudes saisies dans un mouvement tout à la fois collectif et profondément individuel, cette œuvre épurée nous donne à voir leur détresse, mais surtout nous transmet leur humanité.

Bruno Puyraimond